Ce domaine s'est appelé: Cingiacum (XIe siècle, Charte de l'abbaye de Preuilly), Cingé (1493, Archives nationales), Singé (1639, Rôle des fiefs de Touraine, rôle de Preuilly), Cingé (1793, Archives 37, Bien nationaux), Cingé (XVIIIe siècle, Carte de Cassini), Château de Singé (1813, Cadastre), Singé (1820, Carte de l'état-major), Singé (1962, Cadastre), Cingé (2013, Carte IGN).
Cette châtellenie relevait de
la baronnie de Preuilly à foi et hommage-lige. Le château primitif,
construit dans une plaine couverte de bois et sillonnée de marécages,
jadis inaccessibles, trouvait dans cette position une grande force,
qu'augmentait encore des douves profondes, alimentées par des eaux vives
et pourvues à chaque bord de hauts ouvrages, partie en terre, partie
construits en pierres de taille. On y pénétrait par un pont-levis
défendu par 2 tours. A l'une des extrémités de l'enceinte s'élevait
le corps de logis principal, dont un donjon carré, se terminant par une
plate-forme, occupait le centre. Aujourd'hui, la plus grande partie de
la vieille forteresse a disparu. La partie du donjon qui existe encore
paraît être une construction du XIIe ou du XIIIe siècle. Le corps de
bâtiment, attenant à la tour, avait deux étages. Au XIXe siècle, on
voyait encore aux parois des murailles, d'immenses cheminées suspendues
dans le vide et menaçant de tomber. Au-dessus de ces cheminées étaient
les écussons des anciens seigneurs de Cingé. L'épaisseur et la solidité
des murs étaient étonnants. Dans les cachots, des prisonniers, par des
inscriptions gravées, ont laissé trace de leur séjour.
A côté des ruines de l'ancien manoir,
s'élève une habitation construite à l'époque de la Renaissance.
Au-dessus de la principale porte d'entrée, on voit un double écusson
orné de ses lambrequins et représentant les armes de la maison de
Crevant.
Au début du XVIe siècle, il existait,
dans l'enceinte du château, une chapelle dédiée à saint Thomas et dans
laquelle, en juin 1503, Antoine Balue, évêque de
Saint-Pons-de-Tomières, et frère du célèbre Jean Balue, conféra la
tonsure cléricale à l'un des membres de la famille de Crevant de Cingé.
En 1624, le bâtiment tombait en ruines, il fut remplacé par une autre
chapelle, bâtie, sous l'ancien vocable, par René de Crevant et que l'on
voit encore aujourd'hui.
Dans le principe, Cingé n'était qu'un simple hébergement.
Un charte du XIIIe siècle lui donne cette qualification. Ces sortes de
domaines féodaux étaient un lieu d'étape où le suzerain, parcourant la
contrée soumise à sa juridiction, était logé et nourri gratuitement avec
sa suite. Quand ils furent transformés en forteresses, on cessa, pour
les désigner, d'user de l'ancienne dénomination, à laquelle fut
substituée celle de fief ou de châtellenie suivant l'importance reconnue
de la propriété.
Au XIVe siècle, le baron de Preuilly
renonça à son privilège de gîte à Cingé et accorda à cette terre le rang
de châtellenie, tout en se réservant les droits de foi et hommage-lige.
Le château de Cingé a vu naître un personnage parvenu à la royauté,
royauté fort contestée, il est vrai, et qui, au XVIIIe siècle a été le
sujet de vives polémiques tendant soit à en nier, soit à en prouver la
légitimité. Il s'agit de la fameuse royauté d'Yvetot, en Normandie.
Claude Bonaventure de Crevant, né à Cingé, le 14 juillet 1629, devint roi d'Yvetot par son mariage avec Marie d'Appellevoisin, héritière de cette couronne.
Les seigneurs de Cingé furent:
- Josbert de Cingé, chevalier, est le premier seigneur connu. On le voit comparaître comme témoin dans un acte d'échange passé vers 1170 entre Cosinus de Preuilly et Ranulphe de Becheron.
- Geoffroy de Cingé, fils du précédent, est mentionné dans une charte de 1188.
- Gautier de Preuilly, chevalier, seigneur de Cingé,des Mées et de la Rolle, figure sur une charte de 1208.
- N. Turpin, chevalier-banneret, seigneur de Cingé, de Crissé, d'Azay-le-Ferron et du Puy-sur-Azay, vivait en 1250.
- Guy Turpin, fils du précédent et seigneur des mêmes fiefs, épousa Marguerite d'Ussé, fille de Beaudouin, seigneur d'Ussé, et eut 2 enfants: Guillaume, chevalier-banneret; Marguerite, femme d'Eschivard IV, baron de Preuilly. Elle reçut en dot la châtellenie de Cingé.
- Eschivard IV, baron de Preuilly et seigneur de Cingé, du chef de sa femme, mourut en 1320, laissant 6 enfants: Eschivard V; Pierre-André, seigneur d'Azay-le-Ferron, du Roulet et de Saint-Flovier; Griset; Marguerite, prieure à l'Hôtel-aux-Nonains, près d'Orléans; Isabeau, religieuse; Jehanne, femme de Bernard Robert.
- Eschivard de Preuilly V, seigneur de Cingé et de la Roche-Posay, donna pour dot, à sa sœur Jehanne, femme de Bernard Robert, la châtellenie de Cingé et toutes ses dépendances. Il mourut en 1349 et fut inhumé dans l'abbaye de Preuilly.
- Bernard Robert, chevalier, seigneur de Cingé, de Crissé, de Manhac et de Saint-Jal, est mentionné dans des actes de 1359, 1360 et 1361. Il laissa un fils nommé Aymar.
- Aymar Robert, chevalier, seigneur de Cingé, Manhac, Saint-Jal, etc..., chambellan de Louis de France, duc d'Orléans, recueillit les successions de ses oncles, le cardinal de Magnac, Aymar Robert et Pierre Robert, doyen de Saint-Germain-l'Auxerrois. De son mariage avec Marguerite de la Porte, il eut une fille unique, Marie-Catherine, qui épousa Pierre de Salignac. Aymar Robert mourut en 1413 et eut sa sépulture dans l'église de Bossay.
- Pierre de Salignac, chevalier, seigneur de Cingé, à cause de sa femme, Marie-Catherine Robert, vivait en 1423. Il laissa un fils unique Philibert.
- Philibert de Salignac, chevalier, seigneur de Cingé et du Puy-sur-Azay, est cité dans un titre de 1440. Il épousa Jeanne de Fontenay et en eut Pons de Salignac, héritier de la terre de Cingé.
- Pons de Salignac, chevalier, eut de Françoise de Sully de Cors, une fille unique, Jehanne, qui épousa Jacques de Crevant, par contrat du 12 janvier 1484, et eut en dot les terres de Cingé et du Puy-sur-Azay.
- Jacques de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, était fils de Jean de Crevant, seigneur de Bauché, et de Catherine Brachet. Il accepta, le 6 juillet 1485, le testament de son père, qui lui laissait les terres comprises dans la succession de Philippe de Crevant, seigneur de Puygirault. Par actes des 2 mai 1496 et 12 février 1500, il transigea avec Catherine de la Jaille, veuve de Jean de Crevant II, son frère, et obtint un supplément de partage. Il mourut en 1501, laissant de son mariage avec Jehanne de Salignac: François, qui suit; Claude; Jacques; Louis, abbé de la Trinité de Vendôme.
- François de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, du Puy-sur-Azay, de Foncelives, des Baronneries et de Massué, épousa, le 4 mars 1532, Louise Ronsard, dame de Villegongis, sœur du poète Ronsard, et fille de Louis Ronsard, seigneur de la Possonnière, maître d'hôtel du roi, et de Jeanne Chaudrier. De ce mariage sont issus: Louis, dont on parlera plus loin; Antoinette, dame de Foncelives, du Guéret et de Serelles, mariée le 10 juillet 1559 à Pierre de Saltun, écuyer, seigneur de Fontenailles.
- Louis d'Aloigny, chevalier, seigneur d'une partie de Cingé, de la Chaise, près de Martizay, de Saint-Léoffort et de l'Islette, vivait en 1565. On ignore comment une partie de la terre de Cingé vint en sa possession. Il laissa un fils unique qui suit.
- Antoine d'Aloigny, chevalier, seigneur d'une partie de Cingé, l'Islette, la Chaise, Pouillé, Perey, capitaine-gouverneur de Mézières-en-Brenne, épousa, par contrat du 19 août 1565, Louise de Vouvant, dont il eut une fille unique, Renée, qui fut mariée à François Chasteigner et eut en dot la terre de La Chaise, près Martizay. Louis de Vouvant épousa en secondes noces François Chasteigner, seigneur de la Gabillère.
- Louis de Crevant Ier, chevalier, seigneur de Cingé, Villaines et des Mées, gentilhomme de la chambre du roi, acheta la partie de la châtellenie de Cingé possédée par les d'Aloigny. De Jacquette de Reilhac, dame de Brigueil, qu'il avait épousée le 16 février 1561, il eut: Louis, qui suit; René; Françoise, femme de Humbert de Rochefort, seigneur de Villedieu et de Beauvais, en Auxois; Madeleine, mariée par contrat du 20 juin 1588, à Martin Fumée, seigneur des Roches-Saint-Quentin, maître des requêtes.
- Louis de Crevant II, seigneur de Cingé, marquis d'Humières, vicomte de Brigeuil, seigneur d'Azay-le-Féron, Ozillac, Argy, chevalier des ordres du roi, capitaine de 50 hommes d'armes, gouverneur de Laon et de Compiègne, conseiller d'état, mourut à Azay-le-Féron, le 2 novembre 1628, et fut inhumé dans l'église collégiale de Loches. Il avait épousé, le 18 février 1595, Jacqueline d'Humières, fille de Jacques d'Humières, marquis d'Ancre, et de Renée d'Averton, dont il eut: Charles-Hercule, né à Azay-le-Féron le 6 novembre 1590; Louis, né à Azay-le-Féron le 3 juin 1608, mort à Paris le 21 mars 1648.
- René de Crevant devint seigneur de Cingé par suite d'une transaction avec son frère, Louis de Crevant II. Le 13 septembre 1604, il épousa Gabrielle Prevost, fille de Louis Prevost, seigneur de Fabresan, gouverneur de Brie-Comte-Robert, et de Françoise Morin. De ce mariage naquirent: Louis, page de la chambre du roi, né à Cingé le 8 septembre 1614, mort en 1632; Gabriel, chevalier de Malte, né à Cingé le 14 mai 1618, décédé en 1651, il fut inhumé dans la chapelle Saint-Fiacre de l'église de Bossay; Charles-Hercule-Gabriel, qui suit; Claude-Bonaventure, roi d'Yvetot, né à Cingé le 14 juillet 1629; François-Alexandre, chevalier de Malte; Françoise, mariée le 5 juin 1632 à Louis Gillier, marquis de la Villedieu, baron de Mauzay, seigneur de Saint-Georges et de Longuepierre. Gabrielle Prevost mourut en 1652 et eut sa sépulture dans l'église de Bossay.
- Charles-Hercule-Gabriel de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, La Patrière, Saint-Léoffort, Les Mées, Fragne, La Rolle, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, mourut en avril 1668, laissant de son mariage avec Marguerite de la Brosse, fille de Pierre de la Brosse et de Marie Conan: Antoine, qui suit; Louis; François; Marie-Louise-Jacqueline, mariée en janvier 1674 à Marc-François de Gelinard de Malaville, comte de Varaize.
- Antoine de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, né au château de Cingé, le 1er novembre 1652, eut 3 enfants de son mariage avec Marie-Anne de Gelinard, fille d'Emmanuel de Gelinard, vicomte de Varaize, lieutenant des maréchaux de France, et de Marguerite de la Fosse: Louis-Emmanuel, qui suit; Louis-François; Jean, né à Cingé le 20 août 1685.
- Louis-Emmanuel de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, épousa, en 1608, Marthe-Henriette de Saint-Gelais-Lusignan, fille de Jean de Saint-Gelais, marquis de Roissac, et d'Henriette de la Rochefoucaud. De ce mariage sont issus: Louis-Martin, qui suit; Charles-Louis, né à Cingé le 19 décembre 1713; Martin-Louis; Martin-Philippe, né à Cingé le 28 juillet 1715; François; Marie-Anne-Marthe. Marthe-Henriette de Saint-Gelais mourut à Paris le 25 mai 1724.
- Louis-Martin de Crevant, chevalier, seigneur de Cingé, de Bauché et de la Brosse, page de la chambre du roi en 1727, fut, quelques années après, officier au régiment des gardes français.
- François de Crevant, frère du précédent, seigneur de Cingé vers 1740, mourut le 31 mars 1748.
- Charles de Livenne, comte de Livenne, était seigneur de Cingé, des Mées, de Saint-Léoffort, de Fragne, la Patrière, la Brosse, Puy-sur-Azay, Flée, Pied-Testot, en 1781. Sa fille, Henriette-Charlotte-Pélagie, mourut le 29 juillet 1781 et fut inhumée dans l'église de Bossay. Charles de Livenne comparut à l'assemblée électorale de la sénéchaussée de Saintes en 1789.
Le château et ses dépendances furent
vendus comme bien d'émigré en 1793. En 1874, cette propriété fut achetée
par les religieux Trappistes qui y établirent une succursale de la
colonie pénitentiaire qu'ils dirigeaient à Fontgombault. En 1877, on y
comptait 130 colons. Cette colonie pénitentiaire fut fermée (avec
d'autres, comme celle de Mettray) en 1939 à la suite des articles du
journaliste Alexis Dana qui relataient les conditions de vie des colons.
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